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08/04/2011

A propos de la Tchetchenisation de la Russie

O. Orlov, S. Gannouchkina et les avocats des victimes

parlent de la « tchétchénisation » de la Russie

Le 21 janvier 2011 s’est déroulée au Centre de presse indépendant de Moscou une conférence de presse sur le thème « La « tchétchénisation » de la Russie, enlèvements et disparitions dans la région de Moscou" ( voir http://www.memo.ru/2011/01/19/1901112.html).

Y ont pris part Svetlana Gannouchkina, présidente du Comité « Assistance civique », membre du Conseil du Centre de défense des droits de l’homme « Mémorial », Oleg Orlov, président de « Mémorial », ainsi que des avocats de victimes, Emil Taouboulatov et Goulnara Bobodjanova.

svetlana-gannushkina.jpgEn introduction, Svetlana Gannouchkina a expliqué dans quel sens les participants utilisent le terme de « tchétchénisation ». Il s’agit, selon elle, de l’utilisation par les structures de force sur tout le territoire de la Russie des méthodes mises au point au cours de l’opération antiterroriste en Tchétchénie : enlèvements, disparitions violentes, détention dans des prisons illégales. Aujourd’hui, les défenseurs des droits de l’homme constatent que ces méthodes sont également utilisées sur le territoire de la région de Moscou.

« Nous avons prévenu depuis longtemps que les choses se dérouleraient ainsi », a noté Madame Gannouchkina. Selon ses dires, on pouvait naguère lire à l’entrée de Grozny l’inscription « Bienvenue en enfer ». « Il est impossible qu’une partie d’un même pays connaisse l’enfer et les autres une démocratie développée et l’état de droit », considère l’expert.

A l’automne 2010, Mémorial et Assistance civique ont commencé à être informés d’enlèvements, les circonstances dans lesquelles étaient commis ces crimes laissant supposer la participation des structures de force à ceux-ci. Selon Madame Gannouchkina, de tels faits étaient auparavant très rares à Moscou.

Madame Gannouchkina a relaté quatre cas concrets d’enlèvements dans la région de Moscou selon un « scénario nord-caucasien ».

L’histoire de l’enlèvement à Moscou le 1er novembre 2010 d’un habitant d’Ingouchie, Alikhan Ortskhanov (http://www.memo.ru/2010/11/10/1011101.htm) est caractéristique. Ortskhanov a été arrêté et conduit à la maison d’arrêt de Lefortovo. Ses proches n’ont pas été informés de son lieu de détention. Or il a été détenu pendant quarante-huit heures dans un local souterrain et torturé, en particulier par des électrochocs, à la suite de quoi il a avoué toute une série de crimes. Après quoi on a fait savoir à son frère, Bekkhan, qu’il se trouvait à Lefortovo et avait été arrêté dans la rue le 3 novembre. « Au Nord-Caucase, il arrive fréquemment qu’on commence par détenir les personnes arrêtées dans des prisons illégales et qu’ensuite, lorsqu’elles sont prêtes à avouer n’importe quoi, on déclare qu’elles ont été arrêtées officiellement dans la rue», a déclaré Gannouchkina.

On observe également un  scénario mis au point ces dernières années en Tchétchénie dans l’histoire du citoyen Ouzbek Nabi Soultanov (http://www.memo.ru/2010/09/21/2109104.htm) arrêté dans la ville de Koubinka, district d’Odintsovo, région de Moscou le 14 septembre 2010. Il a réussi à faire savoir qu’il avait été arrêté par les forces de maintien de l’ordre, mais il ne put pas rencontrer un avocat. La collaboratrice du parquet a donné aux défenseurs des droits de l’homme une explication stupéfiante à ce fait : « Les actes pratiqués sur Soultanov ne nécessitent pas l’intervention d’un avocat. » Cependant celui-ci n’avait pas seulement besoin d’un avocat, mais aussi d’un interprète. On craignait qu’il ne fût livré à l’Ouzbékistan, en dépit de l’interdiction de la Cour européenne des droits de l’homme. Les avocats informèrent cette dernière de cette affaire. Trois jours après son enlèvement, Soultanov entra en contact avec les collaborateurs d’Assistance civique, déclara qu’il se trouvait dans une station service et demanda qu’on vînt le chercher. « Le procureur du district d’Odintsovo responsable des affaires d’extradition avait fait monter Soultanov dans son propre véhicule, l’avait conduit à la station service et là l’avait tout simplement fait descendre sans aucune explication. Cela aussi rappelle le scénario nord-caucasien dans lequel les kidnappeurs se débarrassent eux-mêmes des personnes enlevées ou retenues de façon illégale »,  relate Madame Gannouchkina.

Le troisième cas dont celle-ci a parlé ne s’est pas aussi bien terminé. Il s’agissait d’un citoyen russe originaire d’Ouzbékistan, Sandjarbek Satvaldiev, qui a été emmené en Ouzbékistan (http://www.memo.ru/2010/12/13/1312101.html). Le 15 septembre 2010, Satvaldiev a été enlevé à Moscou par un groupe d’hommes armés, dont deux policiers en uniforme. De nombreuses circonstances de ce cas faisaient apparaître sans aucun doute l’implication de collaborateurs des forces de l’ordre russes.

Une enquête a été ouverte, mais sans résultat. Lorsque les défenseurs des droits de l’homme ont demandé au Parquet général des informations sur le déroulement de l’enquête, ils ont obtenu une réponse étonnante. Il s’est avéré qu’un contrôle était en cours, mais pas sur l’enlèvement ou l’extradition illégale d’un citoyen, mais sur un "abus de pouvoir potentiel de la part de collaborateurs du ministère de l’Intérieur", c’est-à-dire qu’on ne recherchait plus la personne : on était apparemment sûr qu’il était impossible de la retrouver.

Dans les réponses aux questions figurait la phrase « il est impossible d’identifier la personne susceptible d’être poursuivie. »

Le 9 décembre, on apprit que la personne enlevée, Sandjarbek Satvaldiev se trouvait à la section d’Andidjan du Service de sécurité nationale d’Ouzbékistan. Madame Gannouchkina fait remarquer que c’est là le premier cas depuis juin 2005 d’extradition d’un citoyen de Russie vers l’Ouzbékistan.

Elle a enfin relaté en détail l’enlèvement à Moscou de sept musulmans originaires de la république des Kabardes et des Balkars, du Daghestan et du Tadjikistan. (http://www.memo.ru/2010/10/08/0810101.htm) et http://www.memo.ru/2010/12/17/1712102.html). Tous les sept, à bord de deux véhicules, revenaient à Dolgoproudny et Khovrino après s’être rendus à la mosquée de la rue Bolchaïa Tamarskaïa de Moscou. Et tous ont disparu dans des circonstances non élucidées.

Madame Gannouchkina a noté que, selon elle, le processus d’extension des mécanismes de violence de la Tchétchénie à l’ensemble du Nord-Caucase, puis à toute la Russie, a conduit à la destruction totale de la machine judiciaire. Celle-ci est à présent désagrégée, ingérable et sa destruction se poursuit de façon inexorable.

Oleg_Orlov_webII.jpg?size=250x500&quality=75Oleg Orlov, qui a pris la parole ensuite, a exprimé son désaccord avec Madame Gannouchkina au sujet des causes de la propagation des « scénarios nord-caucasiens » aux autres régions de Russie. Selon lui, c’est de façon délibérée et systématiquement que les structures de force propagent ces « méthodes de lutte contre le terrorisme et la criminalité » mises au point au Nord-Caucase à toute la Russie.

Monsieur Orlov a déclaré que l’arbitraire se répand depuis le Nord-Caucase, où les disparitions sans laisser de traces sont une méthode habituelle de lutte contre le terrorisme, le banditisme, etc. Il a noté que, de même que dans cette région, les enquêtes menées dans de tels cas avancent quelque peu sous la pression des défenseurs des droits de l’homme, des avocats, des parents des personnes enlevées. Cependant, après avoir effectué sous cette pression quelques pas en avant, les collaborateurs de la milice et du parquet continuent à saboter leurs missions.

Monsieur Orlov a relaté l’enlèvement de trois personnes originaires du Daghestan qui a eu lieu en octobre 2010 à Moscou (http://www.memo.ru/2010/11/08/0811103.htm). L’une d’entre elles a été par la suite libérée par les kidnappeurs. Les défenseurs des droits de l’homme l’ont interrogé et ils ont transmis immédiatement les informations récoltées au Comité d’instruction du Parquet. Cet important témoin n’en a pas moins été interrogé par les collaborateurs de celui-ci au bout de plus d’un mois et demi, dans la deuxième moitié de décembre. Jusqu’à présent, en violation des délais fixés par la loi, ceux-ci continuent à vérifier la déclaration du témoin et la décision d’ouvrir une enquête n’a pas été prise. Selon Orlov, c’est là un cas typique de sabotage délibéré de l’enquête.

Le fait que dans ces affaires, l’enquête soit menée lentement et de façon inefficace a été confirmé par Emil Taouboulatov, avocat des épouses de Tchibiev, Abdoullaev et Magomedov (trois des sept musulmans enlevés dont a parlé Madame Gannouchkina). Et là aussi, les enquêteurs effectuent un contrôle sur « un abus de pouvoir par des collaborateurs non identifiés du FSB » et ne recherchent pas les personnes disparues. Maître Taouboulatov déclare que les autorités lui répondent : « Nous comprenons que vous recherchez les personnes, mais nous, nous avons d’autres obligations ».

Goulnara Bobodjanova est la représentante des proches d’Israpilov, Khaïdov, Gassanov et Nakkache (les quatre musulmans kidnappés qui circulaient dans le deuxième véhicule). Elle a déclaré que le sort de ces hommes lui est également inconnu à ce jour, mais qu’elle a tout de même réussi à obtenir l’ouverture d’une enquête. L’avocate espère que dans le cas donné, les recherches seront efficaces et que l’on retrouvera les personnes disparues.

En conclusion, Svetlana Gannouchkina a déclaré qu’il faudrait organiser plus d’une conférence de presse afin de décrire ce qui se passe. Des rencontres avec les journalistes seront dorénavant consacrées à la propagation à la région de Moscou des mécanismes de violence mis au point au Nord-Caucase, aux affaires dans lesquelles les victimes se retrouvent sur le banc des accusée et les coupables de violence se déclarent victimes, ainsi qu’aux persécutions en fonction de critères nationaux et religieux.

04:41 Publié dans conférence de presse | Lien permanent

26/03/2011

Compte rendu de la réunion de l'AAMF du 25 mars 2011

 

La réunion s’est tenue, vendredi 25 mars 2011, au siège de l’Association internationale Dmitri Chostakovitch, qui nous prête gracieusement ses magnifiques locaux au fond d’une des plus jolies cours de Paris.

1) Compte-rendu d’Hélène Kaplan

                        Dans un premier temps, Hélène Kaplan fait un compte-rendu de la conférence de Memorial, à laquelle elle a assisté en décembre 2010. Ces conférences ont lieu tous les quatre ans, et toutes les sections de Memorial y sont conviées. C’est donc l’occasion de savoir ce qu’elles font sur tout le territoire de la Russie, mais aussi en Ukraine, dans les Pays baltes, en Asie centrale et même en Biélorussie.

                        Des tendances se dégagent, parfois très différentes les unes des autres. D’une part, il y avait plutôt moins de sections présentes qu’il y a quatre ans. En effet, les nouvelles règles imposées par le gouvernement russe aux ONG (par la loi de 2006) ont créé de nombreux problèmes aux associations. Certaines ont dû fermer, d’autres peinent à se maintenir. Mais d’autre part, les nombreuses sections, malgré tout présentes à la conférence de décembre, existent depuis longtemps et continuent d’agir. En outre, certaines d’entre elles disent être mieux acceptées par les administrations locales, voire, dans certains cas, recevoir des subventions.

                        Sur le terrain, le travail des sections locales n’est pas toujours facile, mais il se poursuit, et ces sections continuent d’œuvrer pour publier des livres de mémoire et pour régler le problème, relancé, des réhabilitations et des indemnisations[1].

                        Ce qui est nouveau, c’est la présence forte de Memorial sur internet. Memorial a des contacts étroits avec certains médias (Ekho Moskvy, Radio Svoboda, des sites internet d’information), si bien que ses informations sont systématiquement reprises et diffusées.

                        Le grand événement, c’est que la question des répressions staliniennes est désormais évoquée dans des textes du gouvernement ou des discours du Président Medvedev. Memorial a élaboré un programme de recommandations : ce qu’il faudrait faire pour réellement déstaliniser la société. Le 1er février 2011, Arséni Roguinski a présenté ce programme au Président Medvedev et au Conseil pour le développement de la société civile et pour les droits de l’homme[2], qui est rattaché au Président de la Fédération de Russie et dont trois membres de Memorial font partie. Un compte-rendu de cette rencontre – et pas le programme même - a été rendu public[3]. Depuis, le débat sur la déstalinisation de la société russe a été relancé, et de nombreux articles sont parus dans la presse sur ce sujet.

                        Par ailleurs, Memorial va bientôt disposer d’un nouveau local, à proximité de son local moscovite initial (que l’association garde). 150 m2 seront ainsi disponibles pour les livres et documents pour lesquels, actuellement, la place manque terriblement.

                        De nouvelles actions sont développées, notamment la lecture, à voix haute, des noms des victimes des purges, lors de certaines commémorations. D’autres se poursuivent : les recherches historiques et la défense des droits de l’homme, bien sûr, mais aussi le concours incitant des jeunes à mener des recherches historiques.

 

2) Faire vivre le blog de l’Association des amis de Memorial en France

                        Le blog existe depuis plus d’un an. Il faut toutefois le faire vivre : c’est-à-dire alimenter les rubriques des textes, en traduisant, le plus régulièrement possible, les textes importants produits par Memorial.

                        Après un débat sur la meilleure façon d’organiser les choses, il est décidé de rester sur le modèle testé l’année dernière : faire une première sélection des textes, en fonction de leur importance, et lancer des appels à traducteurs.

 

3) La plaquette de présentation de Memorial

                        Cette plaquette est très appréciée par Memorial en Russie, et l’association la distribue à ses visiteurs étrangers.

                        C’est le fruit de nos efforts à tous. N’hésitez donc pas à la diffuser à un public susceptible de l’apprécier. La Librairie du Globe l’a diffusée pendant le salon du livre et continue de le faire. Si vous souhaitez des exemplaires, par exemple à l’occasion d’un colloque universitaire ou d’une rencontre autour de la Russie, contactez l’association.

 

4) Livre de Memorial

                        Un accord s’est fait autour de la tentative pour publier un recueil des travaux, réalisés par des jeunes Russes, pour le concours organisé par Memorial. Irina Chtcherbakova a promis de faire (à partir d’avril) une première sélection de textes.

                        Affaire à suivre, donc.

5) Divers

                      Il est proposé de mettre sur le blog les programmes des colloques organisés par Memorial dans les régions russes.

                        Il est également proposé de mettre sur le blog un lien vers les entretiens réalisés par Memorial et utilisé par Orlando Figes[4].

05:20 Publié dans CR de réunion | Lien permanent

16/03/2011

Musée virtuel du Goulag

getImage.do?object=58991&original=1La Fondation Mémorial est à l'origine, par le biais de son antenne de Saint Pétersbourg, de la création du premier Musée virtuel du Goulag, pour l'instant accessible dans son interface russe.

Ce musée présente un très important inventaire de documents, photographies, objets et manuscrits restituant le déploiement historique, géographique et social de l'institution concentrationnaire soviétique, dans toute sa complexité.

Ce site permet aussi de repérer un ensemble de petits musées locaux qui ont participé à la création de ce musée virtuel en scanant leurs fonds.

http://gulagmuseum.org/start.do

 

 

 

18:08 | Lien permanent