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Ce que l'expérience argentine nous apporte

Déclaration de l’Association internationale MEMORIAL (avril 2010)



Le 21 avril 2010, la Justice argentine s’est prononcée sur le cas de ceux qui ont dirigé et appliqué la terreur d’État, lors de la dictature militaire.
Une junte militaire a été au pouvoir en Argentine, de 1976 à 1983. D’après les données officielles, près de 13 000 personnes ont été tuées ou ont disparu pendant cette période. Les organisations de défense des droits de l’homme avancent, elles, un minimum de 30 000 personnes, tuées ou « disparues ». Les idéologues et les dirigeants de cette terreur d’État justifiaient cette pratique criminelle par la nécessité de lutter contre le chaos qui régnait dans le pays, de combattre le terrorisme et l’extrémisme des groupuscules radicaux.
Reynaldo Bignone a dirigé la junte de 1982 à 1983. Auparavant, il avait commandé la base militaire de Campo de Mayo, où les personnes kidnappées étaient retenues, torturées, puis d’où elles disparaissaient sans traces. Il vient d’être condamné à 25 ans de prison. Cinq autres anciens militaires haut gradés ont été condamnés à des peines de prison, allant de 17 à 25 ans. Ils sont reconnus coupables d’enlèvements, de privation illégale de liberté, de tortures et d’exécutions arbitraires.
L’Association internationale Memorial voit dans ce procès un précédent particulièrement important : le délai de prescription n’existe pas pour les crimes contre l’humanité. Les coupables de tels crimes doivent être punis, quelles que soient, d’une part, les fonctions qu’ils occupent ou ont occupées et, d’autre part, les circonstances politiques qui empêchent la tenue d’un procès.
La dictature argentine a pris fin, il y a 27 ans. Jusque-là, tous ceux qui réclamaient justice se heurtaient à une opposition constante. Ils étaient priés d’oublier la terreur d’État au nom de « l’unité nationale ». On tentait de faire échapper des coupables à leur responsabilité, sous le prétexte qu’ils « exécutaient des ordres ». Malgré tout, la société argentine a entretenu la mémoire des victimes, et elle avait conscience que le pays ne pouvait aller de l’avant, si ces crimes n’étaient pas reconnus et les criminels appelés à rendre des comptes.
La décision du tribunal argentin nous oblige à reconsidérer la situation dans notre propre pays.
Les organisateurs et dirigeants de la terreur d’État en URSS n’ont toujours pas été jugés. Les actes des criminels, coupables de la mort de millions d’individus en Russie, n’ont toujours pas été qualifiés juridiquement, de façon précise et sans ambiguïté.
N’est-ce pas pour cela que des crimes, commis à notre époque post soviétique, restent eux aussi impunis ? Nous pensons, en premier lieu, à ces crimes, perpétrés hier et aujourd’hui, au Nord Caucase, au nom de la « lutte contre le terrorisme » : enlèvements, tortures, exécutions arbitraires et disparitions d’individus. Dans la seule Tchétchénie, plus de 3 000 personnes ont disparu depuis 1999 : elles ont été interpellées ou enlevées par des représentants de l’État. Le pic de ces « disparitions » forcées a eu lieu entre 2000 et 2005, mais cette pratique criminelle se poursuit.
Nous restons convaincus que, tôt ou tard, les coupables de ces crimes contre l’humanité seront présentés devant un tribunal. Leurs actes, à l’instar des actes du dictateur argentin, ne connaissent pas de délai de prescription et ne resteront pas impunis.
C’est pourquoi le verdict prononcé en Argentine est si important pour nous.

23 avril 2010.



Traduit par Sophie Tournon

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