01/12/2012
A propos de la loi sur "Les agents étrangers"
Déclaration de « Mémorial international », en date du 21 Septembre 2012
Le 20 novembre 2012 entrera en vigueur en Russie la loi fédérale « Sur l’introduction d’amendements à certains actes législatifs de la Fédération de Russie dans le secteur de la régulation de l’activité des organisations à but non lucratif remplissant des fonctions d’agent étranger » appelée en langage courant « loi sur les agents étrangers ».
Cette loi est contraire au droit et amorale dans son essence. Contraire au droit parce qu’elle concède au pouvoir législatif les prérogatives d’un tribunal. Et amorale parce qu’elle suppose a priori que les organisations financées de l’étranger agissent selon les prescriptions de leurs sponsors, c’est-à-dire qu’elle proclame comme sagesse suprême de l’Etat l’aphorisme populaire « Qui paie le bal, mène la danse ».
Conformément à cette loi, on pourra exiger que la fondation « Mémorial international » de même que de toute autre ONG recevant des subsides de l’étranger s’inscrive sur une liste regroupant les « organisations d’agents étrangers » exerçant sur le territoire de la Russie, et fasse figurer cette mention sur les livres qu'elle publie et sur ses sites internet. Autrement dit, l'application de cette loi reviendrait à ce que nous nous reconnaissions nous-mêmes comme une organisation agissant dans l’intérêt de mystérieuses forces étrangères.
Une telle affirmation est un mensonge éhonté, mais il ne s’agit pas seulement de cela. « Mémorial », en tant qu’organisation travaillant sur la mémoire historique est tenue de se rappeler -et de rappeler à la société- que dans l’histoire russe récente, les campagnes autour de l’activité de prétendus « agents de l’étranger » dans notre pays ont souvent servi de caution à la terreur d’Etat et à la persécution des dissidents. Il suffit de se rappeler que dans les années 1937-1938, on forçait aussi des centaines de milliers de personnes à avouer qu’elles étaient des « agents de l’étranger » ; et qu’à une époque plus récente, on accusait fréquemment ceux qui critiquaient le régime d’être « vendus à l’étranger ». Sans parler du fait que la confusion créée au sein de la conscience nationale par le discour des services secrets sur les « agents étrangers », est un moyen bien connu pour éviter de résoudre les problèmes réels de la société.
« Mémorial » ne participera pas à une action visant à détruire la société russe et elle ne diffusera pas des informations notoirement fausses à son propre sujet. Si l’on exige de « Mémorial » d’inclure notre organisation sur une liste d’« agents étrangers », nous nous y opposerons devant les tribunaux. Nous sommes une organisation de défense des droits de l’homme et nous ferons tout pour défendre le droit en nous appuyant sur celui-ci.
Nous n’affirmons pas que cette voie soit la seule possible. Il est naturel que chaque organisation décide d’elle-même de la façon de résister à cette loi absurde. La force de la société civile peut se manifester non seulement dans l’unité d’action, mais aussi dans sa diversité.
Il va de soi que dans tous les cas, la norme naturelle de conduite demeure la solidarité et l’entraide avec les organisations qui connaîtront des difficultés après le 20 novembre.
Nous sommes persuadés qu’en fin de compte, le calme et la maîtrise de soi de la société civile russe s’avèreront plus forts que les fantaisies maladives de nos législateurs.
La direction de l’Association internationale « Mémorial », Moscou, le 21 septembre 2012.
La même position a été adoptée par le Groupe d'Helsinki de Moscou et par le Mouvement de la défense des droits de l'homme.
Après l’entrée en vigueur de la « Loi sur les agents », dans la nuit du 20 au 21 novembre 2012, les mots « Agent étranger » ont été tagués sur les murs de l'ancien siège social de Mémorial, et des autocollants utilisant les mêmes mots y ont été apposés.
Dans la nuit du 28 novembre 2012, une banderole a été déposée sur le toit du même immeuble, avec l’inscription « Ici se trouve un agent étranger ».
Mémorial confirme sa position initiale: il ne compte pas se faire enregistrer comme « agent étranger». Quant aux inscriptions sur les murs du bâtiment de Mémorial, il les considère comme une insulte délibérée à la mémoire des millions d'hommes, morts au GOULAG.
19:50 Publié dans Appels et communiqués | Lien permanent
14/10/2012
Lettre ouverte des associations de défense des droits de l'homme russes à l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe
Les défenseurs des droits Russes se sont adressés à l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe en prévision des auditions sur l'exécution des obligations de la Russie devant le Conseil de l'Europe.
Le 2 octobre 2012 l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) doit examiner l'exécution par la Fédération de Russie de ses obligations envers le Conseil de l'Europe. Un rapport sur ce thème a été préparé par Gyorgy Frunda (Roumanie) et Andreas Gross (Suisse). Ils ont également proposé un projet de résolution qui a reçu l'approbation unanime du comité.
Les défenseurs des droits de l'homme russes ont attentivement examiné le texte du rapport et de la résolution. Notant que les recommandations des documents ont un caractère concrèt, ils ont soumis à une critique sévère une série d'appréciations qui se trouvent dans le projet de la résolution. D'après les défenseurs des droits de l’homme, le projet n'indique pas le caractère de faux-semblant des pas vers la « libéralisation » du système politique en Russie, ne dit mot sur la situation des droits de l'homme dans la république de Tchétchénie, ne prête pas attention à la situation humiliante des femmes en Tchétchénie.
Le texte complet de l'adresse est reproduit ci-dessous.
Voir aussi :
Le projet de la résolution : « Exécution par la Fédération de Russie de ses obligations envers le Conseil de l’Europe (en russe) : http://www.memo.ru/uploads/files/854.pdf
Le rapport : « Exécution par la Fédération de Russie de ses obligations envers le Conseil de l’Europe (en anglais) : http://www.memo.ru/uploads/files/855.pdf
Lettre ouverte des associations russes de défense des droits de l'homme à L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe
Messieurs,
Nous, les représentants des organisations russes de défense des droits de l'homme, avons attentivement étudié le projet de la Résolution de l'APCE sur l'exécution par la Fédération de Russie de ses obligations vis-à-vis du Conseil de l'Europe, préparé par le comité de Monitoring.
Ce projet comporte de nombreuses recommandations, utiles et précises, aux autorités de notre pays. Cependant, une série d'inexactitudes, de qualifications erronées des événements et des faits, peut réduire à néant l’effet positif possible de cette résolution.
A côté d'une appréciation tout à fait adéquate des modifications non démocratiques dans la législation et la pratique du droit russes, nous découvrons, dans ce projet, avec étonnement, la satisfaction de la dynamique de cette situation ! Cette satisfaction est liée à un paquet de lois, proposé par l'ancien président Medvedev et à des manifestations de protestation de masse (points 3,4, 10 et 24 du projet de la Résolution).
Nous ne comprenons pas comment on peut arriver à une conclusion aussi optimiste. Il paraît évident que les « pas » antidémocratiques du pouvoir russe ont un caractère systématique et qu’ils ont déjà conduit à une modification qualitative de la situation dans le pays, en plaçant la Russie dans la catégorie des régimes policiers.
Les mesures mentionnées dans le rapport du comité de Monitoring et dans le projet de la Résolution (points 4 et 10 du Projet de Résolution), des mesures spectaculaires à première vue prises dans la Fédération de Russie qui peuvent conduire au retour des possibilités démocratiques, ne peuvent pas être considérées comme des mesures sincères et adéquates et ne sont probablement qu’un faux-semblant. Il est très important de le noter dans le document final.
Essayons de justifier cette affirmation.
1. Le retour à des élections directes des chefs du pouvoir exécutif des régions, proclamé comme un succès des réformes libérales (point 10 du projet de Résolution) perd son potentiel démocratique : on adopte en même temps le prétendu « filtre municipal »- qui exige du candidat qu'il s'assure le soutien d'un pourcentage déterminé, très élevé, d’élus municipaux. Dans les conditions où le parti dirigeant conserve la majorité dans les réunions municipales, cette norme écarte des élections les représentants de l'opposition. Nous voyons actuellement comment cela se passe dans les régions où les gouverneurs doivent être élus.
2. L'abaissement du seuil du nombre des membres nécessaire des partis (de 50.000 à 500) et l’augmentation des possibilités de proposer des candidats par les partis, se revèlent aussi être un faux-semblant. L'interdiction de constituer des blocs pré-électoraux, jointe au maintien des 5% (barrière pour les élections au parlement) et à l’exigence obligatoire pour les partis de participer aux élections (sous peine de perte d’enregistrement) enlèvent pratiquement aux partis d'opposition toute chance d'accéder au parlement.
3. On ne comprend pas pourquoi il faudrait interpréter comme une avancée vers la société démocratique le puissant jaillissement de protestations provoquées par la non-acceptation par la société de la falsification massive des élections et par l’augmentation des poursuites politiquement motivées (point 3 du projet de la Résolution).
4. On ne comprend pas du tout pourquoi, dans le projet de la Résolution, rien n’est dit sur le fait que les principaux media russes – tant étatiques que ceux qui appartiennent à des monopoles proches du pouvoir - sont utilisés comme machine de propagande gouvernementale, y compris pour calomnier l'opposition, les organisations de défense des droits de l'homme et autres organisations non gouvernementales? Pourquoi le projet ne dit-il mot des poursuites pour motifs politiques, des pressions exercées sur les militants de la société civile, du recours, à cette fin, à d'affaires pénales falsifiées, de l'arbitraire et de l'application élargie des dispositions de la législation anti extrémiste ?
5. Mentionnant les grossières violations des droits de l'homme en Ingouchetie et au Daghestan (p.15), la Résolution ignore totalement la situation dans la République de Tchétchénie. Et pourtant, depuis l'adoption en 2010 de la Résolution de l'APCE N°1738, qui exprime une vive inquiétude sur les violations grossières et systématiques des droits de l'homme en Tchétchénie, aucune amélioration n'a eu lieu.
Le projet de la Résolution passe sous silence la situation humiliante et arbitraire des femmes en Tchétchénie, malgré les informations à ce sujet contenues dans les rapports des organisations de défense des droits de l'homme et ainsi que d'autres documents, accessibles aux rapporteurs lors de la préparation de leur rapport et du projet de la Résolution.
Nous vous appelons à apporter les modifications nécessaires dans le texte de la Résolution, en notant d'une part le caractère systématique des mesures antidémocratiques des autorités russes et d'autre part le caractère de faux-semblant de libéralisation de la législation politique.
Nous supposons que les insuffisances regrettables du rapport de Monitoring et du projet de Résolution de l'APCE préparé à partir de ce rapport, sont dues au fait que les co-auteurs du rapport n'ont pas, pour des raisons incompréhensibles, rencontré les représentants de la société civile russe.
Centre de défense des droits de l'homme« Memorial
Lioudmila Alexeieva, Présidente du groupe Helsinki de Moscou
Valéry Borchev, membre du groupe Helsinki Moscou
Iouri Vdovine, organisation de défense des droits » contrôle Civil »
Svetlana Gannouchkina, Comité « Assistance Civile »
Oleg Orlov, membre du Conseil du centre de défense « Memorial »
Serguei Kovalev, président de la Commission Sociale pour l'étude de l'héritage de l'académicien A. Sakharov
Lev Ponomarev, Mouvement panrusse « pour les droits de l'homme »
Lilia Chibanova, Association de défense des droits des électeurs de « GOLOS »
Iouri Scmidt, avocat Conseil de défense des droits de Saint-Pétersbourg
18:32 Publié dans Appels et communiqués | Lien permanent
17/12/2011
Déclaration de l’Association internationale Memorial à propos des élections législatives du 4 déc. 2011
(Cette déclaration a été diffusée en russe le 28 novembre 2011, quelques jours avant la tenue des éléections legislatives)
Ces dernières années, la Russie suit une pente dangereuse. La monopolisation du pouvoir a eu plus d’une fois des conséquences catastrophiques dans notre histoire. Seules des élections peuvent garantir une pluralité politique.
Point n’est besoin d’énumérer les évidents défauts des prochaines élections à la Douma d’Etat, ni de signaler la malhonnêteté de leur organisation. L’ampleur des pressions administratives suscite d’ores et déjà la défiance envers leurs résultats.
Nous jugeons cependant important de prendre ces élections au sérieux et d’y participer. Avant tout parce qu’une trop forte abstention ne peut que favoriser le tripatouillage de leurs résultats.
Nous considérons qu’il est juste de se rendre aux urnes et de ne pas céder nos bulletins de vote aux falsificateurs.
Il serait irresponsable de voter pour des partis qui ont pris part, hier ou aujourd’hui, à la monopolisation du pouvoir. Il serait tout aussi impossible de voter pour des partis ayant recours à la rhétorique nationaliste, cela conduirait également à l’abîme. Mais les listes comportent, malgré tout, d’autres partis. Si aucun d’entre eux ne paraît acceptable, il reste toujours la possibilité de rendre le bulletin nul.
Nous pensons qu’il est nécessaire que le plus grand nombre possible de citoyens participent activement et en toute impartialité au bon déroulement des élections. La comparaison et l’analyse des résultats de leurs observations pourront donner matière à des actions ultérieures.
Cette voie ne promet pas un succès rapide, mais les chances seraient encore moindres si l’on en empruntait d’autres.
11:10 Publié dans Appels et communiqués | Lien permanent