Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/04/2011

La Cour européenne des droits de l'homme a accordé un million et demi d’euros aux habitants d’un village tchétchène bombardé en 1999

 

LogoColour_154_2009-04-20.pngLe 29 mars 2011,  la Cour européenne des droits de l’homme a prononcé un arrêt concernant l’affaire « Esmoukambetov et autres c. Russie » (plainte n° 23445/03)

Cette affaire concernait la mort violente, le 12 septembre 1999 , d’habitants du village de Kogui, au sud-ouest de la République de Tchétchénie, non loin de la frontière administrative avec le Daguestan, soumis à un bombardement et une fusillade aérienne au cours d’une « opération anti-terroriste ».

 La Cour a reconnu la violation par les autorités du droit à la vie, du droit au respect de la vie privée et familiale, du droit au respect de la propriété et également du droit aux moyens d’une défense effective, reconnus dans les articles 2, 3, 8 et 13 de la Convention européenne et dans l’article 1 du protocole additionnel 1 de la Convention.

Les intérêts des requérants étaient représentés par les juristes du centre européen de défense des droits de l’homme (ENGAS Londres) et le centre de défense des droits de l’homme « Memorial » (Moscou).

Les requérants sont 27 personnes qui habitaient ou se trouvaient à Kogui au moment des faits.

tchetchenie.gifLe 12 septembre 1999, aux environs de 17 heures, deux avions militaires Su-25 sont apparus au dessus du village et, après un premier survol, ont commencé à mitrailler à l’arme lourde et à bombarder le village. Esmoukhambetov Maoutali a vu tuer sur place ses deux fils mineurs, Elmourat et Eldar, victimes d’une bombe tombée dans sa cour. Sa femme, Borambike, mortellement blessée par l’éclat d’une autre bombe, a décédé dans ses bras.

Peu après l’attaque aérienne, des habitants sont partis au Daghestan voisin sur leurs engins agricoles. En cours de route ils ont découvert le corps de Lida Abdourakhmanova.

Maoutali Kartakaev a découvert, après de longues recherches, le corps de sa mère, tuée par un éclat de bombe, ce même 12 septembre. Au total, les militaires ont lâché environ 70 bombes sur le village de Kogui, causant la mort de cinq paisibles habitants, parents des requérants et  détruisant une trentaine d’habitations.

Quelques jours plus tard, les militaires ont détruit les maisons restées debout, pour que les membres des formations armées illégales ne puissent y trouver refuge. Les habitants qui ont fui au Daghestan ont passé l’hiver 1999-2000 dans un camp de réfugiés. Certains d’entre eux ne sont pas revenus dans leur village.

En dépit des nombreuses plaintes, déposées auprès de diverses instances gouvernementales, concernant la mort de cinq parents des requérants et la destruction de leurs biens, des poursuites pour destruction volontaire de propriété n’ont été intentées que le 21 janvier 2002, soit plus de deux ans après les faits. Des poursuites pour avoir causé la mort de cinq parents des requérants ont été intentées après le début de la procédure pour destruction de propriété, mais l’affaire a été close le 23 septembre 2005 pour absence de corps du délit, l’action des militaires ayant été reconnue légitime et ayant pour but la prévention d’actes terroristes d’envergure.

Après le dépôt de la plainte des requérants à la Cour européenne des droits de l’homme en juillet 2003, la Cour a décidé d’examiner l’affaire en priorité. La Cour a rejeté les objections du gouvernement selon lesquelles la plainte n’était pas recevable, les requérants n’ayant pas épuisé les possibilités de recours au niveau  national, dans la mesure où la législation et la jurisprudence de la république de Russie ne prévoient la possibilité d’obtenir réparation pour destruction de biens qu’en cas d’actions illégitimes des fonctionnaires responsables.

Le gouvernement affirmait que l’attaque du village de Kogui, le 12 septembre 1999, était justifiée et absolument nécessaire, parce que les autorités auraient été informées que des membres des formations armées illégales s’approchaient du village et se préparaient à entreprendre un attaque terroriste de grande envergure. Les autorités de la république de Russie n’ont néanmoins apporté aucune preuve à l’appui de leurs dires. La cour a jugé ces arguments non convaincants et inadéquats : l’usage non ciblé de la force dans des lieux habités par des civils ne peut en aucun cas être considérée comme fondé. Il est important de noter que, pour fonder sa position, la Cour se réfère aux normes du droit humanitaire international.

La Cour a arrêté que les autorités de la Fédération de Russie, en violation des dispositions procédurales de l’article 2 de la Convention, n’ont pas mené une enquête approfondie des faits qui ont entrainé la mort de cinq parents des requérants.

En ce qui concerne la destruction des habitations des requérants, la Cour a jugé infondée la violation par les autorités du droit au respect de la vie privée et familiale et également du droit de propriété. La Cour avait déjà noté que la « Loi sur la lutte contre le terrorisme » n’était pas conforme à la Convention européenne, dans la mesure où, dans le chapitre 21 de la loi,  le cadre des pleins pouvoirs des représentants de l’Etat au cours de telles opérations n’est pas fixé avec suffisamment de précision.

Enfin la Cour a retenu que les requérants n’avaient pas la possibilité de faire valoir leurs droits au niveau national.

La Cour a ordonné le versement aux requérants d’une somme totale de 1 491 000 euros à titre d’indemnisation des préjudices matériels et moraux subis et de 9 350 euros de dépens aux représentants des requérants.

Cet arrêt a été rendu par la Cour européenne à l’unanimité. Les circonstances de l’usage injustifié de la force armée par les représentants de l’Etat, causant la mort de cinq parents des requérants, n’ont fait aucun doute pour la Cour, même en l’absence de documents que la Cour a réclamés en vain au Gouvernement.

Ainsi, la Russie a été à nouveau reconnue responsable de la mort de civils pendant les opérations militaires en Tchétchénie en 1999.

21:31 | Lien permanent

Les commentaires sont fermés.